jeudi 24 juin 2010

Equipe de France : "Le monde politique aurait pu intervenir en 2008"


Jean-Pierre Escalettes, Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot lors de la finale de la Coupe de France le 9 mai 2009.

Karim Nedjari, directeur des sports de Canal +, a publié il y a quelques mois, avec Bruno Jeudy, Sarkozy côté vestiaires, dans lequel les deux journalistes analysent le rapport qu'entretient le président de la République avec le monde du sport. Alors que le chef de l'Etat a rencontré Thierry Henry jeudi à l'Elysée (lire notre article), Karim Nedjari revient sur la politisation de la débâcle des Bleus.
La rencontre entre Nicolas Sarkozy et Thierry Henry est-elle surprenante ?
Pas vraiment. Au lendemain de la finale de Ligue des Champions remportée par Barcelone en 2009, Nicolas Sarkozy avait appelé Thierry Henry pour le féliciter et lui dire qu'il incarnait la France qui gagne. Il lui avait également dit qu'il souhaitait un jour le recevoir pour réfléchir ensemble à la manière de faire passer un message positif dans une société française qui doute. Il ne faut pas oublier que ce match contre l'Afrique du Sud, c'est aussi la fin de la carrière internationale du meilleur attaquant de l'histoire des Bleus. Henry incarne encore France 98 et il a réussi à traverser cette Coupe du monde sans se salir, alors qu'il y avait de la boue partout. Certains lui reprochent de ne pas s'engager mais vu la zizanie totale qui régnait en équipe de France, c'était plutôt une marque d'intelligence.
Pensez-vous, comme l'indique l'Elysée, que la demande d'entretien a été formulée par Thierry Henry ?
Je n'y crois absolument pas, et plusieurs sources me confirment cette version. Je vois mal Thierry Henry prendre son téléphone, appeler Nicolas Sarkozy et lui demander de le rencontrer. Je pense que la demande vient du Président et que le joueur a fort logiquement accepté. Ensuite, en terme de communication, c'est plus habile de la part de l'Elysée de parler de "rencontre". Il y a, comme souvent, quelque chose de l'ordre du coup médiatique dans la démarche de Nicolas Sarkozy mais le Président veut sans doute aussi avoir une vision précise de ce qui s'est passé à partir de l'avis d'un joueur sain et intelligent.
Est-ce le rôle du président de la République de prendre une telle initiative ?
Cette affaire est très compliquée, en raison des dégâts provoqués par la débâcle des Bleus dans le monde entier. Le New York Times a quand même fait sa une sur l'équipe de France ! L'image de la France est très sérieusement salie, le sportif est devenu politique. Si Nicolas Sarkozy ne fait rien, on le lui reprochera, même s'il y a des tonnes de dossiers brûlants à traiter. D'un autre côté, la récupération politique du problème est évidente : une fois de plus, le Président monte en première ligne.
Il comptait énormément sur cette Coupe du monde pour relancer la France : en janvier dernier, il avait reçu Raymond Domenech en tête-à-tête pendant plus d'une heure à l'Elysée, hors agenda officiel, pour qu'il lui explique son projet. Sa déception doit être à la hauteur de ses attentes. Si Nicolas Sarkozy a un rapport privilégié avec le sport, il n'est pas le premier à l'instrumentaliser : en 1998, Jacques Chirac portait le numéro 23, et il avait reçu les Bleus à la Garden Party. En 2006, il a discuté avec Zidane pendant vingt minutes dans les vestiaires après la finale, et il l'a ensuite reçu à l'Elysée.
Les réactions politiques se multiplient depuis l'élimination de la France...
Tout le monde manque de calme et de recul. Lorsque la ministre des sports parle de "caïds" (lire notre article), c'est dangereux car il y a, dans ce discours, des relents qui peuvent être exploités à droite comme à gauche. Il y a quinze jours, le pouvoir politique louait le talent de cette équipe et de son sélectionneur, incitait les Français à l'optimisme et expliquait que la presse était fautive. Les gens qui pointaient les problèmes de l'équipe de France passaient pour des "anti-France".
Aujourd'hui, tout le monde tire sur une ambulance qui a des allures de corbillard. C'est facile de participer à l'opération de destruction. Ajouter de l'émotion à l'émotion, ça ne résout jamais les problèmes. L'exécutif ne peut pas se dédouaner de ce qu'il s'est passé : tout le monde doit se remettre en question et pas se renvoyer la balle.
Le pouvoir politique est-il également responsable de la débâcle ?
La question de la responsabilité est complexe. Ce qui est sûr, c'est qu'après le fiasco des Bleus à l'Euro 2008, tout le monde était d'accord pour dire qu'on ne pouvait pas continuer comme ça, mais Raymond Domenech a été maintenu... Le pouvoir politique aurait très bien pu intervenir à ce moment-là, comme il a l'air de le faire aujourd'hui. Certes, la Fédération est l'émanation démocratique de ses différentes composantes : les districts, les régions, les ligues... Mais, si au sommet de l'Etat, on ne veut plus de Jean-Pierre Escalettes, ce serait très étonnant qu'il ne se passe rien.

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