samedi 19 juin 2010

Deux visions de la Pologne s'affrontent à la présidentielle

Les Polonais iront voter dimanche pour le premier tour de la présidentielle, plus divisés que jamais après la catastrophe de Smolensk entre deux visions de leur pays : l'une libérale et pro-européenne et l'autre conservatrice et nationaliste. "Plus que jamais, il y a deux visions de l'État et même de civilisation qui s'affrontent", estime Edmund Wnuk-Lipinski, sociologue de l'Institut d'études politiques de Varsovie. "L'une ouverte, représentée par la Plate-forme civique (PO), parti de Bronislaw Komorowski, et l'autre de repli sur soi incarnée par le parti Droit et Justice (PiS)" de Jaroslaw Kaczynski, a-t-il précisé. Tous les sondages indiquent en effet que le choix réel se fera entre Bronislaw Komorowski, 58 ans, président de la chambre basse du Parlement et chef de l'État par intérim, et Jaroslaw Kaczynski, 61 ans, frère jumeau du président mort le 10 avril dans un accident d'avion à Smolensk, dans l'ouest de la Russie.
Un sondage publié mercredi a crédité le candidat libéral de 48 % des intentions de vote, contre 34 % pour le dirigeant conservateur. Le candidat le mieux loti parmi les huit autres prétendants, le social-démocrate Grzegorz Napieralski, vient loin derrière avec 9 %. Si aucun candidat ne franchit dimanche la barre de 50 %, un second tour aura lieu le 4 juillet et Bronislaw Komorowski battrait alors Jaroslaw Kaczynski par 60 % à 40 %, selon ce sondage. Les experts soulignent cependant que l'écart entre les deux rivaux ne cesse de se réduire. Ils n'excluent pas une mobilisation des électeurs de Jaroslaw Kaczynski au deuxième tour, comme ce fut le cas lors de la présidentielle de 2005, remportée par Lech Kaczynski contre le libéral Donald Tusk.
L'ombre de Lech Kaczynski
Le scrutin est marqué par la catastrophe qui a coûté la vie au président Lech Kaczynski, à son épouse et aux 94 autres passagers de son avion, ainsi que par les inondations qui ont ravagé le sud de la Pologne. Les deux événements ont fait que "tout se passe au niveau des symboles", déclare à l'AFP Eryk Mistewicz, spécialiste en marketing politique. "Il n'y a aucun débat de fond et personne ne l'attend véritablement", estime-t-il, et les termes "Pologne", "patriotisme" ou "famille" sont largement présents dans les discours des deux principaux candidats.
Connu pour sa rhétorique virulente à l'adresse de ses adversaires, Jaroslaw Kaczynski a fait l'effort de tenir dans sa campagne électorale un langage de modération. Endeuillé par la mort de son frère jumeau, le candidat conservateur a appelé ses compatriotes à une entente nationale, tout comme son adversaire. Il a également fait des gestes envers la Russie et l'Allemagne, après avoir souvent tenu un discours anti-russe et anti-allemand à l'époque où il fut Premier ministre, de 2006 à 2007. Bronislaw Komorowski lui aussi se garde d'attaquer de front son adversaire.
En revanche, au sein de l'opinion les divisions entre les partisans du parti libéral PO au pouvoir et ceux de l'opposition conservatrice de PiS sont visibles et se sont exacerbées, selon les analystes. "Ces divisions ont toujours existé, mais la catastrophe de Smolensk a fait que les émotions retenues jusqu'à présent ont explosé. Les digues ont cédé", estime Edmund Wnuk-Lipinski. "Si nous coupons la société en deux avec une hache, la Pologne n'en sortira pas plus forte, plus patriotique, mais profondément divisée", a souligné récemment Wlodzimierz Cimoszewicz, ancien Premier ministre de gauche qui a rejoint le camp de Bronislaw Komorowski. "Après l'élection, lorsque nous aurons un nouveau président, une partie des électeurs dont le favori a perdu ressentira une haine envers le nouveau président. On ne construit pas une société démocratique ainsi", a-t-il insisté.

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