"On ne touche pas au bouclier fiscal", tonnait encore Nicolas Sarkozy en mars dernier. Le président de la République manque en effet rarement l'occasion de railler les promoteurs d'une taxation des plus riches : "S'il suffisait d'augmenter les impôts pour qu'il y ait de la justice sociale, depuis des années qu'on augmente les impôts gauche et droite confondues, on devrait être le pays le plus juste au monde !"
Mais le dernier rebondissement de l'affaire Woerth-Bettencourt éclaire d'un nouveau jour l'efficacité de la loi TEPA d'août 2007. Ce texte, figure de proue des premiers mois du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est censé encourager les Français les plus riches à rapatrier dans l'Hexagone des capitaux placés dans des pays à la fiscalité plus douce. Liliane Bettencourt, 17e fortune de la planète, selon le classement Forbes, a reçu de l'Etat, en 2008, un chèque de 30 millions d'euros au titre de ce mécanisme fiscal. Les enregistrements publiés par Mediapart ont démontré qu'alors que l'administration française versait un chèque à la milliardaire, elle était soupçonnée de soustraire à l'administration fiscale plusieurs dizaines de millions d'euros, cachés sur des comptes suisses.
% DU TOTAL DU BOUCLIER FISCAL Le bouclier fiscal permet à tout contribuable dont le total des contributions directes excède 50 % des revenus déclarés au fisc après déductions de réclamer un remboursement. Selon des chiffres officiels, le bouclier fiscal a coûté 600 millions d'euros à l'Etat en 2008. Environ 14 000 personnes en ont bénéficié, et parmi elles moins de 1 000, ayant un patrimoine supérieur à 15 millions d'euros, ont reçu 400 millions d'euros. Ces personnes ont reçu du fisc près de 400 000 euros en moyenne. La somme versée à Liliane Bettencourt représente 5 % du total du bouclier fiscal.
Cette nouvelle affaire Bettencourt illustre une réalité déjà dénoncée par la Cour des comptes, alors présidée par Philippe Seguin, dans un rapport publié en mars 2009, qui souligne que ces réductions d'impôt ont contribué au développement de stratégies d'optimisation fiscale : "Elles ont pu constituer parfois un effet d'aubaine davantage qu'une mesure d'incitation." La mise en place du bouclier fiscal a ainsi incité certains ménages à "réorganiser leur patrimoine et leurs revenus pour minimiser ces derniers et réduire ainsi leur plafond d'imposition directe". Dans certains cas, le bouclier fiscal permet à des contribuables fortunés d'être exonérés, non seulement de l'ISF, mais aussi d'autres impôts directs comme les taxes foncières et d'habitation. "Si de nouveaux prélèvements sur le patrimoine devaient être institués, la question du niveau du bouclier fiscal mériterait d'être posée", notait la Cour des comptes.
Quatorze contribuables disposant d'un patrimoine de plus de 16 millions d'euros et ayant un revenu fiscal de référence de moins de 3 428 euros se sont même vu rembourser 220 000 euros chacun. Il s'agit de rentiers ou de contribuables recourant massivement aux niches fiscales pour faire baisser le montant de leurs revenus pris en compte dans le bouclier.
"L'UMP OFFRE DES MILLIONS À SA CLIENTÈLE VIA DES CADEAUX FISCAUX"
"Plus on est riche, plus le remboursement est important. C'est pour cela que le bouclier est le symbole de l'injustice fiscale", souligne Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts (SNUI).
"L'impôt est au cœur du pacte républicain, rappelle Jean Arthuis, sénateur centriste, président de la commission des finances. Il est impératif de le simplifier, afin qu'il soit transparent pour tous avec une règle stable. Je réclame depuis des années une suppression de l'ISF et l'instauration d'une tranche supplémentaire pour les plus hauts revenus ainsi qu'une TVA sociale."
"Pendant que l'UMP offre des millions d'euros à sa clientèle via des cadeaux fiscaux, les populations les plus modestes sont appelées à compenser", estime Arnaud Montebourg, député socialiste et président du conseil général de Saône-et-Loire. "Lorsque je réclame 30 millions d'euros à François Baroin pour le paiement de la part de l'Etat de l'allocation personnalisée d'autonomie, on me les refuse sous prétexte que les caisses sont vides. C'est aussi la somme qu'on a offert à Mme Bettencourt."
"JE ME SERAI BIEN PASSÉ DE TOUT CELA"
"Moraliser le capitalisme, c'est donc pour le gouvernement de verser à ceux qui n'arrivent même plus à quantifier leur fortune l'équivalent de la création de 700 postes d'enseignants ou de 1 200 postes d'infirmiers. 30 millions d'euros, c'est 1 500 retraités à 1 500 euros par mois pendant un an. 30 millions d'euros, c'est aussi le coût moyen de la construction de trois collèges", raille pour sa part Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste.
Le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy pourrait finalement être une nouvelle victime collatérale de l'affaire Woerth-Bettencourt. "Je me serai bien passé de tout cela", lâchait le président de la République, mercredi 30 juin, devant quelques parlementaires.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire